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long-métrage de fiction
de Damien Faure

75 min

avec David D'Ingéo


Image : Julien Mata

Musique : Xavier Roux




 
Produit par
Alice Baldo
Mary Baldo
Matthieu Lamotte


visa n°159 568
 
© 2023 aaa production
French Kiss production
 

Harald vit seul dans une petite maison,
Il n’y a plus rien à chasser et ses réserves de nourritures commencent à pourrir.
Il décide de quitter sa cabane afin de chercher les restes d'une
humanité disparue. Il découvre alors une curieuse ville fantôme et s’installe dans la cité bien décidé à la remettre en marche.
Mais d’étranges phénomènes vont bouleverser cette nouvelle vie.

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ENTRETIEN AVEC DAMIEN FAURE

Pourquoi avoir choisi un lieu extrême pour votre premier long métrage de fiction ?

À l’origine, je voulais faire un documentaire au Svalbard, un archipel de la mer de Norvège en Arctique, non loin du Pôle Nord. Sur l’île principale se trouve une curieuse forme en béton qui s’enfonce dans la roche glacée. Il s’agit du « Seed Vault » ou « Refuge des semences ». Ce bâtiment est un immense bunker construit dans la montagne. Cet espace de stockage sert à conserver les graines du monde entier en cas de catastrophe climatique ou nucléaire. Lors des repérages sur place, quelqu’un m’a conseillé de me rendre dans un autre lieu étonnant. À quelques kilomètres plus au nord, j’ai ainsi découvert une étrange cité fantôme que l’on nomme : Pyramiden.
Son nom lui vient d’une montagne en forme de pyramide au pied de laquelle elle fut fondée par les Suédois en 1910. En 1926, les Soviétiques ont racheté la ville pour y créer la compagnie minière Arktikougol afin d’en extraire du charbon. Ici, au Svalbard, nous sommes en territoire norvégien autonome et démilitarisé, ce qui permet à n’importe quel pays d’exploiter librement les ressources locales, ce que fit longuement l’URSS en établissant et en administrant sa colonie russe dans l’archipel. En 1998, l’exploitation minière est arrêtée et tout le monde abandonne la ville.
En parcourant les rues et les bâtiments d’une architecture soviétique, il me semblait que les habitants étaient partis la veille sans rien emporter. Dans le palais de la culture, des photos montraient les dernières rencontres sportives et les spectacles scolaires comme s’ils dataient de la veille. Les livres étaient encore sur les rayons de la bibliothèque, les jouets sur le parquet de la crèche, certains vêtements étaient encore accrochés sur des cintres. Dans la cabine de projection de la grande salle de cinéma traînaient de vieilles bobines de films 35mm. Par miracle, un des projecteurs marchait encore, laissant visionner certaines de ces bobines, qui m’ont révélé la vie quotidienne de la cité, tournées par les habitants eux-mêmes. Le contraste était saisissant avec la solitude des bâtiments face à un glacier géant au milieu d’un paysage sans aucune végétation.
Je suis immédiatement tombé sous le charme de cet endroit car devant moi j’avais à ma disposition un décor fabuleux pour un film de science-fiction.


Mais au départ vous vouliez faire un documentaire ?

Oui à la base j’avais l’idée de travailler sur les gardiens du « Refuge des graines » que je voulais mettre en relation avec ceux de Pyramiden. J’ai donc écrit un dossier pour un film documentaire. Nous étions en 2019 et pendant plus d’un an, mes trois co-producteurs, Matthieu Lamotte (aaa production) et Alice et Mary Baldo (French Kiss production) ont réussi à rassembler un budget de 100 000 euros. Budget assez faible mais qui permettait quand même de produire le film. Mais alors que tout était prêt pour le tournage, la crise sanitaire du Covid a stoppé le projet. Et lorsque en 2021 les frontières ont commencé à s’ouvrir, nous avons recontacté les personnes que je devais filmer mais tout le monde avait déserté les lieux depuis longtemps et n’avait aucune intention de revenir sur place. J’avais donc perdu les personnages de mon documentaire. Paradoxalement, nous avions l’argent mais plus la possibilité de réaliser le documentaire que j’avais écrit.
J’ai alors proposé à mes producteurs d’écrire cette fois-ci un projet de fiction tout en gardant en tête la contrainte d’un faible budget.


Réaliser un long-métrage de Science-Fiction en Arctique avec un budget minuscule n’était-il pas un pari un peu fou ?

Si bien sûr, c’était un sacré défi, mais surtout il fallait avoir quelque chose à dire. Pour mettre en images mon scénario, j’avais le privilège et la chance d’avoir à ma disposition le décor fantastique d’une ville abandonnée. Visuellement, ce lieu est d’une beauté plastique extraordinaire et porteur d’une réflexion sur le devenir de notre monde.
Avec ces crises climatique, sanitaire et géopolitique, beaucoup de certitudes se sont effondrées. En tant que cinéaste, j’avais envie d’apporter un regard singulier sur cette situation préoccupante.
Depuis longtemps, je m’intéresse aux mythes fondateurs des diverses civilisations de notre planète. Toute société dans son histoire a créé sa propre cosmogonie. C’est une façon de se rassurer pour penser le futur. Avec ce film, j’avais envie d’inventer avec ironie une cosmogonie du monde d’après, avec comme contrainte de mettre en scène un seul personnage face à cette ville fantôme qui représente l’empreinte d’une humanité agonisante. L’idée était de ne surtout pas s’ancrer dans le réel mais de dévier vers la science-fiction.
Avec comme question fondamentale : et si par malchance je devenais le dernier des êtres vivants ? Dans ma narration, il n’y a pas de héros, il y a un personnage qui essaye de réenclancher et de réenchanter le monde en lui donnant un peu de poésie. Il se raccroche alors à des objets, à des architectures, à des images fixes ou animées, aux restes d’une humanité perdue. Il s’agit de passer de la survie à la vie jusqu’à la folie. Car comment réagir face à une absence d’interactions, de concurrence, d’échanges, de paroles, de verbes, de rapports amoureux ? Ne plus avoir le regard de l’autre sur soi, où cette situation pousse à une totale désinhibition.
Le réel devient alors grotesque, absurde, voire burlesque.


Votre film est aussi un pamphlet sur notre façon de consommer le monde ?

Puisque le personnage d’Harald décide de réenclencher cette ville fantôme, il est obligé de trouver de l’énergie pour que son corps puisse trouver la force de survivre, donc il a besoin de nourriture. Ensuite il doit trouver un moyen de redonner de la lumière à la cité.
Une fois que tout est en place, il peut se permettre d’avoir accès à des loisirs, à la culture.
Tout cela pousse ensuite à utiliser cette énergie qui n’est malheureusement pas infinie. Lorsque tout est consommé, Harald doit trouver d’autres solutions pour réenclencher le monde.


Vous ponctuez votre film d’images d’archives, les aviez-vous intégrées dans votre scénario initial ?

À l’époque soviétique, Pyramiden était considéré comme un lieu idyllique, ce n’était pas un goulag. Les personnes qui étaient envoyées là-bas avaient la chance d’y avoir un travail et de participer au programme d’une ville utopique telle que l’entendaient les autorités. Il y avait donc une réelle volonté de divertir la population par la culture et notamment le cinéma. C’est pour cela que Pyramiden renferme une cinémathèque impressionnante où sont encore stockées des centaines de bobines de films dont on ne sait pas intégralement ce qu’elles contiennent. En tout cas j’ai eu accès à certaines de ces bobines qui m’ont permis de découvrir le quotidien des anciens habitants. Dans mon scénario initial, ces images arrivaient assez tard dans ma narration. Et c’est la monteuse, Esther Frey, qui a développé l’idée que ces archives pourraient ponctuer toute la structure du film. Avec cette matière filmique, on essayait de créer des liens visuels et sémantiques avec certaines séquences qui n’avaient pas été écrites et tournées en fonction de ces images.
C’est ce que j’aime dans le cinéma, c’est que d’un scénario initial, tout peut se métamorphoser au tournage et au montage.


Il n’y a pratiquement aucune parole dans votre film, c’était un choix assumé dans votre scénario ?

Oui complètement car tout d’abord, pour des questions de budget, je ne voulais mettre en scène qu’un seul personnage. Mais ce qui m’intéresse aussi dans le cinéma, c’est de trouver comment on peut raconter une histoire sans passer par des dialogues ou par un narrateur. Un film n’est pas de la littérature et est différent du théâtre car c’est avant tout de l’image et du son. Comment par le dispositif d’un cadre peut-on faire évoluer émotionnellement un personnage dans un espace particulier ? Dans un espace que l’on sculpte et auquel on donne du sens par le travail sur la lumière et par des petites touches de sonorités.
Tout cela s’est donc construit avec le corps de David d’Ingéo, par les petits détails de ses gestes et par les subtilités de son regard.
Par le travail de Julien Mata sur sa capacité à inventer de la lumière avec très peu de matériel à sa disposition. Cette lumière qui a été transcendée par le fabuleux travail d’étalonnage de Graziela Zanoni.
Chaque sonorité apporte aussi du sens en cas d’absence de paroles grâce à la mise en place du montage sonore apporté par Charles Autran et à l’intelligence du mixage de Samuel Delorme fait en seulement trois jours alors qu’il faut trois semaines pour mixer un long-métrage.
Et puis sans oublier Xavier Roux, le musicien avec lequel je travaille depuis vingt ans, qui réussit, chaque fois, à apporter une nouvelle dimension à l’aspect visuel de mes films.


Comment s’est déroulé le tournage ?

Mes producteurs m’ont accordé 20 jours de tournage. À défaut d’une équipe d’une vingtaine de personnes, nous avons décidé que je serais simplement accompagné de David d’Ingéo, comédien, et Julien Mata, directeur de la photo. Chacun de nous trois a dû alors s’acquitter de plusieurs postes techniques. David devait gérer ses propres costumes et assurer la continuité des raccords des plans. Julien, véritable homme-orchestre, s’occupait du cadre, de la lumière, de la régie, et de la mise en place des accessoires ou effets spéciaux. Quant à moi, en plus de la direction de mon comédien et de la mise en scène, je devais m’occuper du son.   
Le tournage fut épique, rempli d’accidents bénéfiques qui ont nourri la mise en scène.  Comme l’apparition furtive de rennes qui ont traversé le cadre lors de certaines prises. Prises qui ont donc été gardées au montage final car ces animaux sont parfois apparus dans un timing parfait pour le rythme et l’onirisme de la scène.
Beaucoup de séquences ont été réinventées sur place, car chaque fois que je trouvais un endroit surprenant de la ville, je réécrivais une scène le soir en fonction de cette découverte.
Comme dans cette salle de classe où trônait, sur le mur principal, une grande fresque peinte d’un conte pour enfant. Cette peinture murale, composée de plusieurs personnages, est devenue le décor d’une scène importante du film. Cette scène, où Harald, en engageant une violente conversation improvisée avec ces figures dessinées, révèle les prémices d’une folie annoncée.
Signalons aussi que le bilan carbone de notre tournage était plus que positif puisque du fait du peu de matériel apporté sur place et d’une équipe très réduite, nous avons pu avoir l’autorisation du gouverneur de tourner au Svalbard alors qu’un an plus tôt Tom Cruise s’était vu refuser le tournage d’une séquence de son dernier Mission Impossible car jugée trop polluante !


Quel a été le choix du comédien David d’Ingéo ?

J’ai découvert le travail de David, pour le film « Avant l’aurore » de Nathan Nicholovitch présenté à l’ACID Cannes en 2015. J’ai été fasciné par son jeu et par la façon dont il s’est investi viscéralement dans son personnage. De plus, le film de Nathan se déroule au Cambodge et le tournage a aussi été une vraie aventure comme je les aime au cinéma. David avait donc cette expérience de tournage extrême. La première fois que l’on s’est rencontrés, je n’avais pas de scénario très précis mais j’avais ce corps et ce visage singulier comme postulat de départ. Je lui ai simplement dit que l’on irait tourner en Arctique dans une ville fantôme. Lorsque nous nous sommes quittés, il m’a rappelé quelques heures plus tard en me disant que le projet était vraiment fascinant mais qu’il ne se sentait pas prêt pour ce tournage car il avait une phobie du froid. Lorsqu’il m’a dit cela, j’ai tout de suite compris que j’avais trouvé le personnage de mon film. Sous ce physique sec d’aventurier se cachait une faille qui m’intéressait. Et après plusieurs autres rencontres, il a accepté le défi.

Il est vrai que quand on voit le résultat, on ne s’imagine pas que vous n’étiez que trois sur le tournage. C’est assez remarquable pour un film « fauché » ?

Ce genre de film « fauché » ne peut se faire que si l’on est en accord avec l’envie de développer une œuvre faite main, poétique, fragile mais remplie d’âme et de promesse : une œuvre « bricolée » qui se fait sur un mode de fabrication autre que le diktat du scénario formaté et immuable. Il faut savoir qu’il y a un savoir-faire et un vrai choix artistique à vouloir maintenir cette liberté d’expérimentation en assumant les contraintes budgétaires, un temps de tournage plus court, et en respectant les droits des techniciens.
Cela induit un état d’esprit très particulier, une grande expérience de travailler en équipes légères et la nécessité d’une même ligne de pensée entre producteurs et cinéastes.
Il s’agit aussi d’inventer de nouvelles méthodes de diffusion ou de trouver des solutions pour que les distributeurs et les exploitants s’intéressent à ces oeuvres.
Faire donc un cinéma « bricolé » comme Pyramiden, n’est ni péjoratif, ni une fatalité, sa seule survie est de continuer à se disséminer entre les interstices du grand écran car, contrairement à ce que l’on peut croire, le spectateur est capable et a besoin de trouver ces espaces de création et de poésie. Et ne l’oublions pas, sans diversité, il n’y a plus de démocratie.
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